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  L E   P A R C O U R S  
 

     EN ROUTE VERS LE MUNDIAL ESPAGNOL


Après un repos mérité de plus de 2 mois en Novembre et Décembre, les joueurs de l’équipe nationale vont, dès le 4 Janvier 1982, entamé un marathon pré-mondialiste de 25 matches, disputés face à des sélections nationales ou des équipes de clubs, à raison parfois de 4 à 5 rencontres par mois. Le record étant établi en Mai avec 7 matches. Un tel rythme peut sembler démentiel, mais il faut savoir que les internationaux n’étaient plus autorisés à jouer avec leurs clubs respectifs sauf pour les tours ultimes de la Coupe d’Algérie ou les rencontres de Coupe d’Afrique.


L’opposition, lors de ces tests préparatifs est d’ailleurs de valeur assez inégale. Il y a là Bordeaux, Atletico Mineiro du Brésil, Benfica, le Pérou, l’Eire ou encore le Real Madrid. Mais on compte aussi Brest, Nîmes, Thonon-les- Bains  et le Real Oviedo. Qu’à cela ne tienne, l’équipe a besoin d’aller au bout de ses expériences, jauger toutes ses potentialités et assurer la cohésion entre pros et amateurs. A ce propos, il faut signaler que la qualification pour le Mundial a suscité un engouement sans précédent dans le milieu des footballeurs algériens jouant à l’étranger. Les supporters algériens découvriront tout à loisir Karim Maroc, Abdallah Medjadi dit Liégeon, Malek Chikhi, Saïd Hamimi etc…dont les noms viennent s’ajouter à ceux de leurs camarades sollicités depuis longtemps déjà.


Après le tirage au sort de la FIFA qui avait placé l’Algérie dans le groupe 2 en compagnie de la RFA, l’Autriche et le Chili, les joueurs interrogés par le quotidien algérien de langue arabe Echaab, se montreront optimistes quant à leurs chances de qualification pour le deuxième tour. Ils s’attribuaient un taux variant de 60 à 70%. Mais le plus curieux est que la très grande majorité d’entre eux  font reposer leur  optimisme sur de possibles succès face à l’Autriche et au Chili !!


Le 12 Janvier, un remaniement ministériel restreint du gouvernement avait entraîné un changement à la tête du Ministère de la Jeunesse et des sports. Ainsi  Djamal Houhou, en place depuis 5 ans s’en allait. Lui qui avait mis toute son intelligence et sa passion dans une mission exaltante, mais ô combien ingrate, est remplacé par Abdennour Bekka lequel, dans un passé récent, avait occupé les postes de Président de la FAF et de Président du Comité d’organisation des Jeux Africains de 1978 ; ceci après avoir longtemps dirigé le sport dans l’Armée .Chacun pressent des modifications dans la direction de l’équipe nationale. Mais rien ne pointe à l’horizon et l’on attend déjà la production à venir des mundialistes lors de la phase finale de la CAN prévue en Mars en Libye. Six jours avant le début de cet important rendez-vous, coup de théâtre !!! La rumeur se fait réalité. On annonce officiellement la nomination de Rachid Mekhloufi en tant que Directeur technique national, supervisant l’ensemble des sélections nationales et celle de Mahieddine Khalef comme entraîneur de l’équipe « A ». Saadane sauve sa tête, Rogov va se retirer et Maouche refuse le strapontin qu’on lui offre et préfère aller s’occuper d’une équipe militaire.
 
Lorsque la nouvelle équipe technique prend contact avec la presse, Mekhloufi précise tout de go que pour l’équipe nationale  A,  Khalef est le seul et unique responsable. L’intéressé confirme sur le champ. Ceci n’empêchera nullement les calomnies - dont nous parlerons plus loin – de surgir et d’éclabousser inutilement une belle épopée. Le retour de Khalef  va entraîner celui de Bencheikh et Merzekane non retenus par ses prédécesseurs.

 

                                                                                       LA TROISIEME CAN DE L'ALGERIE

L’échéance libyenne est pour demain ; il faut y faire face. Outre l’Algérie, le groupe « B » de Benghazi comprend la Zambie  et le Nigeria battus (1-0) et (2-1) ainsi que la revenante Ethiopie qui arrache le nul (0-0). Pour les premiers matches Khalef laisse Belloumi sur le banc des remplaçants et donne leur chance à deux nouveaux au centre de l’attaque : Kheloufi de la DNC Alger et Amokrane de Aïn el Beïda, des  essais sans lendemain.

Pour la demi -finale, l’Algérie va recevoir le Ghana, champion en 1978, mais qui avait vécu une espèce de creux depuis, en raison de la fuite de ses meilleurs joueurs vers des horizons aussi lointains que rémunérateurs. L’avantage du terrain joue théoriquement en faveur des Verts. De fait ces derniers vont dominer et prendre le dessus à la marque, malgré le but surprise ghanéen dès la 4° minute. L’Algérie s’achemine  donc vers la qualification quand ….dérapage … Fergani, malade,  est expulsé et le Ghana égalise à la toute dernière minute. La prolongation sera favorable aux ghanéens qui ajouteront un 3° but pour gagner (2-3) et atteindre  ainsi la finale. Démobilisés, les nôtres perdront même la 3° place au profit de la Zambie (0-2). Ce dernier match aura été l’occasion d’un come-back pour Ighil  après 6 ans et 10 mois d’absence. Ce fut aussi là son match d’adieu (17 capes et 2 buts). Signalons enfin, que parmi  les joueurs pros, seul  Djamal Zidane était présent lors de ce tournoi africain.

Polarisés qu'ils sont par le Mundial, joueurs et supporteurs considèrent cet échec comme une péripétie de peu d'importance. Certains ne manquent pas de faire ressortir que l'autre mondialiste africain, le Cameroun, n'avait même pas réussi à franchir le premier tour. Il n'en reste pas moins que la victoire finale était largement à la portée de notre sélection, qui aura ainsi laissé passser une occasion en or d'inscrire son nom au palmarés de cette compétition. Le Ghana, quant à lui, ajouta dans son escarcelle, un 4° titre africain après avoir battu en finale, la Libye aux tirs au but.

                                                                                              LE MUNDIAL ESPAGNOL
                                                                                    

 Un mois plus tard, le stade du 5 Juillet à Alger, va accueillir coup sur coup, le Pérou, l’Eire et le Real Madrid. Des moments mémorables pour un public record. Habitués plutôt à ronronner lors des matches amicaux, les sélectionnés vont, en ces occasions,  montrer qu’ils sont déjà lancés sur la ligne droite menant à Gijon et Oviedo. Et surtout chacun veut gagner sa place. Contre le Pérou (1-1) et l’Eire (2-0) spectateurs et téléspectateurs algériens découvrent un éblouissant Karim Maroc, milieu de terrain offensif, jouant au FC Tours. Ce qui les rassurait d’autant que Mustapha Dahleb n’arrivait pas à se dépêtrer des blessures


Les matches de préparation se succèdent à un rythme soutenu. Khalef dispose de 26 joueurs qu’il va faire tourner sans cesse, multipliant les remplacements et les essais. En fine mouche il ne veut pas livrer trop tôt le fond de sa pensée avant la date de transmission officielle de la liste des 22 joueurs retenus. Combien de pros ? Voilà la question à laquelle chacun désire une réponse immédiate.  Khalef dit d’abord qu’il retiendra les meilleurs. Un autre jour il laissera entendre qu’il n’y aura pas plus de 8 ou 9 pros. Il en retiendra finalement  7 .


Cette période ne manquera pas de problèmes liés directement à l’équipe nationale. Celle-ci, depuis quelque temps, jouait avec des tenues confectionnées par une Société nationale (SONITEX). Mais cette dernière n’est pas en mesure de financer des stages et des rencontres à l’étranger, ni de payer les émoluments redevables par tout sponsor. Des contacts avaient donc été pris avec des multinationales. C’est l’une d’entre elles, l’allemande PUMA qui est retenue. Dès que la nouvelle est connue, un véritable tollé s’élève. Un vrai délire où tout passe : les mises en garde, les rappels au devoir, les insinuations, les malentendus  succédant aux sous entendus, la fierté nationale et les procès d’intention….A cette époque, l’Algérie ne comptait pourtant que 2 quotidiens et 2 hebdomadaires. Un terrain d’entente sera finalement trouvé : la SONITEX  fournirait maillots et shorts, PUMA apporterait  le reste, le contrat pouvant ainsi être mené à bien.


Celui-ci prévoyait un séjour à Zermatt, station suisse de sports d’hiver réputée. Arrivés là, joueurs et dirigeants se rendent compte qu’il y fait encore trop froid à cette époque de l’année. De plus les terrains d’entraînement trop éloignés, allaient signifier des déplacements fatigants. L’oxygénation en altitude risquait de se transformer en corvée ! Aussitôt dit que fait. On abandonne le perchoir du Cervin pour se rendre en France  près de la frontière suisse, vers le château de Farges. C’est là que tant bien que mal, vont se dérouler les derniers préparatifs auxquels Rachid Harkouk, joueur du club anglais de Notts County, blessé, ne participera point. En revanche Tedj Bensaoula, qui en a fini avec son hépatite, est présent. Pendant ce stage, les défenseurs pros Kourichi et Medjadi, surpris en flagrant délit de « fugue nocturne », seront écartés du groupe. La décision est ensuite rapportée. Or Medjadi a déjà quitté les lieux et seul donc Kourichi, repentant, conserve toutes ses chances de jouer en Espagne. D’autant que si les arrières latéraux existent en nombre suffisant, les défenseurs centraux, de la taille et du niveau de Kourichi ne sont pas légion. Leur nombre sera même réduit à la portion congrue lorsque Djadaoui n’est pas  retenu.


La publication de la liste officielle des 22 ne présente pas beaucoup de surprises. Medjadi parti, il ne restait plus que 2 éléments à écarter. Ce seront les pros Chebel et Djadaoui. Le ressuscité Bensaoula et le  jeune Yahi y figurent. Pour ce dernier, qui avait déjà défendu les couleurs de l’Algérie  lors du championnat du monde Juniors de 1979 au Japon, c’est le paradis. En revanche il y  aura de la frustration pour Chebel, écarté après avoir pris part aux matches éliminatoires. Pour Djadaoui, âgé de 35 ans, c’est le crépuscule ; l’unique chance qu’il avait de prendre part à une Coupe du Monde s’évanouit. Dans cet ensemble où la moyenne d’âge est de 26,9 ans, les joueurs du cru sont majoritaires (15/22), cependant que les clubs de la capitale et du centre se taillent la part du lion (11/22). Aussi curieux que cela  puisse paraître, les clubs de l’est du pays ne sont nullement  représentés. La troupe est prête à s’envoler pour cette extraordinaire aventure, assurée, depuis quelques semaines déjà, de bénéficier  sur place du soutien d’environ 2000 supporteurs tout acquis à leur cause.


Le 6 Juin, la délégation sportive, composée d’une trentaine de personnes, atterrit à l’aéroport d’Oviedo. Assaut de journalistes et de photographes désireux de ne rien rater de l’événement et de fixer, pour l’éternité, l’arrivée des inconnus du groupe 2.  Formalités, interviews et  poses se succèdent. Dans la cohue certains joueurs sont approchés de très près. Si près que l’un d’entre eux, mettant la main dans la poche de sa veste, va y découvrir un sachet contenant  du haschisch. Aussi discrètement que possible, les services de sécurité alertés, vont mettre la main sur une journaliste chilienne détenue immédiatement. Presque personne ne s’était rendu compte de rien. Rien ne fut jamais rendu public….Les joueurs allaient pouvoir tranquillement regagner leur lieu de concentration asturien, situé à Ceceda, un hameau de 400 âmes, à mi-chemin entre Gijon et Oviedo.


Ouvrons ici une parenthèse pour signaler qu’avant de porter leur choix sur ce site, les responsables avaient eu d’autres propositions. Le comité d’organisation régional avait, entre autres sites, suggéré l’hôtel de la Reconquista (reconquête). Ce qui prouve que ses membres ne manquaient pas du sens de l’humour, lorsque l’on sait que c’est à partir des Asturies (jamais occupées par les musulmans) que débuta la reconquête de l’Espagne musulmane… Les organisateurs, faut-il le souligner, n’étaient animés d’aucune mauvaise intention. Il s’agissait simplement du meilleur hôtel de la région. A ce titre, il pratiquait des prix qui firent reculer les responsables de toutes les équipes du groupe. De plus il était situé en plein centre de la capitale provinciale Oviedo.


A Ceceda, malgré l’éloignement relatif, la maison était très grande et disposait d’annexes. Il s’agissait de la propriété d’une famille aisée de la région, dont l’aîné était un ophtalmologue réputé. Avec ses 17 chambres, ses salons, son grand office et les trois villas alentour, elle constituait un lieu de réunion obligé des membres de la famille lors des fêtes. Nichée sur un petit vallonnement, entourée de jardins et de verdure, elle dominait le paysage et se trouvait suffisamment loin de la route pour offrir le calme et la détente souhaitables. Un terrain d’entraînement, situé en contrebas, n’obligeait pas les joueurs à de longs déplacements. Détail important enfin, et non des moindres, personnel et services compris, les prix réclamés étaient raisonnables.


Des trois adversaires que le sort leur a assignés, les Algériens connaissent surtout les Allemands de l’Ouest, à travers leur équipe nationale, mais aussi  à travers les clubs, tels le Bayern de Munich, Hambourg ou Moenchengladbach, équipes dont chaque supporteur algérien connaît désormais les noms par cœur. La télévision avait depuis longtemps rendu familiers à tous, les exploits des Rummenigge, Hrubesh, Littbarski et autres Schumacher. Grâce au petit écran et à la vidéo, le jeu allemand ne recélait plus aucun secret, même si les séquences télévisées hebdomadaires impressionnantes, où l’on voyait Rummenigge et ses semblables aligner but après but, ne laissaient pas d’inquiéter.
Sans omettre de rappeler que la RFA avait été championne du monde en 1954 et 1974 et finaliste en 1966. Consécrations auxquelles il faut ajouter le titre européen en 1972 et 1980 et la finale perdue en 1976. Toutefois.... chacun aura noté, avec une pointe de satisfaction, les éliminations, précoces, cette saison-là, des clubs allemands dans les différentes coupes européennes.


Les Allemands, dont les dirigeants s’étaient déclarés ravis d’avoir à affronter l’Algérie lors du premier match, ne se sont pas beaucoup démenés pour «  espionner » cet adversaire. L’entraîneur Jupp Derwall se contentant de réclamer des enregistrements vidéos et d’envoyer une seule fois un de ses adjoints à Alger afin de voir jouer la formation de Mahieddine Khalef.

Il y eut pire ! Dans cette équipe de la RFA, dirigée par un Derwall, plus qu'effacé et dépassé, il y avait beaucoup d'arrogance et de suffisance, de la part de certaines stars d'une formation championne d'Europe en titre. Et ces prétendues stars n'ont pas hésité à prétendre, l'un qu'il allait jouer ce match en costume de soirée, l'autre en fumant le cigare, un autre qu'il allait dédier le 7° but à sa femme et le 8° à son chien !!!
Je me souviens personnellement et parfaitement que, seul, Uli Stielike (Real Madrid), avait appelé à la prudence pour ce match face  à l'Algérie !


 Khalef connaissait moins bien les Autrichiens. Aussi se déplacera-t-il à Vienne pour les voir à l’œuvre. De son côté, Schmidt le coach autrichien, investi depuis peu dans ses responsabilités, ne manquera pas de prendre au sérieux l’adversaire algérien. Il ira le superviser à Benghazi lors du tournoi de la CAN. Il fera filmer certains matches amicaux. Ses déclarations sont toutes frappées du sceau de la modération. Le Chili, lui, était trop lointain pour être « espionné ». Cela n’avait pas grande importance, du fait que les Algériens allaient avoir  l’occasion de voir jouer, à deux reprises, sur place, Figueroa et ses camarades, avant de les rencontrer.


Le 16 Juin à 14 heures, les joueurs savent déjà qui jouera et qui ne jouera pas. Certains sont plus décontractés que d’autres. Tous me paraissent en belle forme physique, avec cette peau  lisse, tirée sur les joues, qui ne trompe pas. Le temps est couvert, mais la météo ne prévoit pas de pluie. Le stade d’El Molinon ( Le Moulin) à Gijon, le plus ancien du pays, ne fait pas le plein pour cette rencontre où chacun se demande quel sort la RFA réserve-t-elle à l’Algérie ?


Dès l’entrée des deux équipes sur le terrain, on s’aperçoit que les supporteurs algériens ont déjà coupé l’herbe sous les pieds des porteurs de bannières noire, rouge et jaune. Ils sont là pour encourager les leurs sans se préoccuper de savoir si l’adversaire est prenable ou non. Et ils n’ont même pas lu les titres que le quotidien algérois El Moudjahid consacrait le jour même à cette rencontre historique. En première page on pouvait lire : « L'Algérie, pourquoi pas ? » et en page intérieure : « L'impossible sera-t-il algérien ? ». Bien qu’en forme d’interrogations, ces manchettes n’en restaient pas moins prémonitoires. Inconscience ou témérité ? Elles étaient le reflet (et  témoignaient) de la confiance de toute une multitude à l’égard de son équipe.

               Au moment de parler de ce match, me vient à l'esprit la phrase de La Bruyère :"Tout est dit, et l'on vient trop tard..."


Karim Maroc blessé, l’équipe alignée par Khalef est conforme à la logique. On ne pouvait s’empêcher  de penser qu’il avait opté pour la prudence et l’expérience. Prudence, en ramenant vers la défense, sa place de prédilection, le latéral Fawzi Mansouri .Expérience et savoir-faire  au milieu de terrain avec le retour de Mustapha Dahleb dont les ennuis de santé ne sont qu’un mauvais souvenir et qui, à la faveur de la Coupe de France remportée avec son club du Paris St Germain, avait prouvé qu’il était revenu à son meilleur niveau. L’expérience c’est aussi le capitaine Ali Fergani et également Djamal Zidane, habitué aux rugueux contacts du championnat belge, qui va occuper le centre de l’attaque. Pour les autres postes confiés à Cerbah, Merzekane, Kourichi, Guendouz, Belloumi, Assad et Madjer, il n’y a pas matière à suspense.


Au cours de la première mi-temps de cette partie arbitrée par le péruvien Enrique Labo, les blancs de la RFA menacent dangereusement les buts de Cerbah. Jamais ce dernier ne s’était tant époumoné  à appeler ses camarades pour les replacer. Malgré tout l’on sent, à l’image de Breitner et Magath, incapables de s’imposer dans l’entrejeu, que les Allemands n’arrivent pas à dominer leur sujet, à maîtriser le match, gênés qu’ils sont par le placement judicieux et le marquage serré auquel les soumettent tous les Algériens sans exception. Je n’avais personnellement jamais vu les nôtres appliquer des consignes de marquage avec une telle rigueur. Cela va d’ailleurs provoquer une certaine crispation qui se traduit par un jeu qui n’est pas celui auquel ils nous ont habitués. Je m’explique. Les Verts semblent beaucoup préoccupés de ne pas encaisser de but que d’essayer d’en marquer. Peu d’attaques ou de contre-attaques à l’exception d’une très belle ouverture de Dahleb vers Belloumi, lequel contrôle mal son ballon alors qu’il se trouvait à la limite des 16 mètres.


La RFA de son côté, joue avec énormément de précautions. Le libero Stielike se démène comme il peut, mais il ne quitte guère ses bases, lui qui, dans son club du Real Madrid, joue en position de numéro 8. En attaque ce sont les courses de Littbarski qui font naître le danger. En revanche Rummenigge et Hrubesh ne savent comment se défaire  de la surveillance tournante que leur imposent les différents défenseurs algériens. Et c’est en définitive le milieu de terrain Dremmler, le gregario  de luxe du Bayern de Munich, qui va se muer en attaquant. Deux de ses tirs sont arrêtés par Cerbah, le troisième passera au dessus de la barre. A partir de la demi-heure de jeu, les Algériens se décident quelque peu à sortir de leur cocon, mais ces actions pèchent par manque de finition, puisque tour à tour Madjer, Assad et Merzekane, bien placés,  ne peuvent conclure. De leur côté Dahleb et Fergani  tirent, loin du cadre.


Durant la pause, nos amis espagnols, de la voix et du geste, nous félicitent pour ce magnifique résultat partiel contre le champion d’Europe en titre. Chacun suppose que le froid Derwall (du moins ainsi apparaît-il) va secouer les puces de ses joueurs et les inciter à gagner le match. Ce sont toutefois les conseils de Khalef qui porteront leurs fruits. A la reprise, les Verts qui, à l’exception de Dahleb, ont changé de maillot, vont faire preuve d’une verve tout à fait rassurante. En contraste avec le train très lent des Germaniques, ils vont lancer de dangereuses banderilles et Assad est ainsi le premier à menacer Schumacher.


On jouait la 52° minute lorsque l’arrière gauche Briegel, lancé en attaque, se fait contrer et bénéficie d’une touche près du poteau de corner dans le camp algérien. Sur la remise en jeu, Merzekane subtilise le ballon qui va circuler très rapidement entre Dahleb, Zidane, Madjer puis de nouveau Zidane qui s’élance vers le camp adverse. Il passe la ligne médiane et sert Belloumi qui se démarque légérement sur la gauche. Le tir de ce dernier va être contré par le gardien allemand sorti à sa rencontre. Le ballon décrit une espèce de parabole vers l’arrière . Madjer, arrivé à grandes enjambées,  va en hériter et marquer en lobant Dremmler et Stielike, accourus en catastrophe et qui se télescopent !


Madjer venait de signer là un but historique: le premier inscrit dans une phase finale de Coupe du Monde. Il avait suffi de 5 passes et de 4 joueurs pour traverser le terrain sur toute sa longueur et faire parvenir cette balle  là où Schumacher et le stoppeur K.H. Foerster la contemplent tout à fait incrédules. Confiants ou bien effrayés par ce qu’ils venaient d’oser faire, les Verts baissent quelque peu la garde surtout dans les marquages. Les Allemands eux, vont repartir à l’assaut sous l’impulsion de Stielike, Magath et le défenseur Kaltz qui, seul aux 16 mètres, tire dans les bras de Cerbah bien placé.


Et sur une attaque, apparemment anodine, Magath s’échappe à  gauche. Son centre à ras de terre trouve, à la réception, au premier poteau, Rummenigge qui, à bout portant ne laisse aucune chance à Cerbah. But allemand typique. On en avait vu des dizaines marqués  ainsi en Bundesliga. On joue la 67° minute. Les Allemands reviennent donc au score et finissent de se congratuler. Rummenigge brandit le poing et s’inquiète du temps qui reste à jouer. La balle est remise au centre du terrain pour l’engagement. Zidane donne  à Belloumi qui passe en retrait à Fergani. Puis à tour de rôle ce sont Dahleb, Mansouri, Assad, Mansouri qui touchent  la balle laquelle échoit de nouveau à Dahleb qui lance Assad sur son aile gauche. Ce dernier contrôle, lève les yeux et sert sur un plateau, Belloumi, démarqué à trois mètres des buts et qui, du plat du pied, marque comme à la parade.
Ce but limpide aura été l’œuvre de 6 joueurs qui ont échangé 10 passes pendant exactement 23 secondes. La vraie « passe à dix » au milieu de "teutons" médusés.

Je me souviens d'un célébrissime précédent, à savoir le 4° but de Carlos Alberto, lors de la finale de la Coupe du Monde 1970, entré dans la légende, car il avait été l'oeuvre de 8 joueurs qui avaient échangé la balle pendant 29 secondes.

On parle  souvent du « plus beau but » et il y en a eu plusieurs ainsi salués et à juste titre. Il faut reconnaître qu’il s’agissait presqu’exclusivement d’exploits individuels. Mais le football étant par définition un sport collectif, je me dois de dire – chauvinisme mis à part – que les 2 buts algériens marqués à Gijon, face à la RFA,  devraient figurer en bonne place dans la panoplie des « plus beaux buts»  de l’histoire de la Coupe du Monde.


A partir de cet instant, les Allemands voulurent mais ne purent point. Faisant pression  sur les buts algériens de manière décidée mais désordonnée, obtenant corner sur corner. Hrubesh  mettant la balle au dessus de la barre transversale et frappant de ses poings rageurs un gazon innocent. Le coup de tête violent de Rummenigge s’écrase contre la lucarne. Et seule la précipitation empêchera les Algériens d’augmenter leur avantage notamment à l’issue d’un magnifique raid solitaire de Merzekane, qui  s’achève par un tir de Madjer, à ras de terre qui fait trembler les filets de Schumacher. L’espace d’un bref instant on croit au but, mais le ballon était dehors. Les minutes s’écoulent et le rêve de milliers d’inconditionnels présents et d’autres millions loin d’ici, se transforme en réalité criante. L’aigle allemand avait les ailes brisées. La victoire de l’Algérie ne devait rien à la chance. Elle avait souri à ceux qui, cet après-midi là, avaient joué juste et bien, simplement, de manière très collective, sans fioritures et avec talent, avec un cœur et un esprit de solidarité énormes.


Le match est terminé depuis plus d’une heure. Devant la porte principale du stade, les bus des joueurs attendent. Celui des Allemands est presque plein. Voici Jupp Derwall qui arrive et grimpe dans celui des Algériens. Beau  joueur, il distribue quelques poignées de main à ceux des nôtres assis aux  premières rangées. A ce moment il  me revient à l’esprit que la veille du match, une journaliste italienne (ou brésilienne), qui, pour tout le monde avait l’air « dans la lune », osa demander au coach allemand s’il considérait un nul face à  l’Algérie comme un bon résultat. Dans la salle, beaucoup rient. Derwall sourit mais  répond simplement : NON.   A  des supporteurs allemands il avait  toutefois imprudemment confié : « Si l'on perd, je prendrai immédiatement le train pour l'Allemagne "!!!

Le bus des algériens est toujours là à cause de Fergani qui n’arrive pas à se soumettre au contrôle anti-doping. Le retour à Ceceda sera donc tardif. Tant mieux, car cela aura permis aux villageois de soigner la joyeuse réception qu’ils vont réserver à leurs hôtes algériens et qui se poursuivra tard dans la nuit avec chants et danses en une véritable fête. Vers minuit, alors que les joueurs sont au lit et que Khalef, véritable manne des radios locales, ne cesse de répondre en langue espagnole aux journalistes, Rachid Mekhloufi, d’un air malicieux me glisse : « Les miracles, ça existe, il faut y croire» Ses yeux brillants en disent toutefois plus long. Le lendemain matin, il sera un peu plus loquace et précisera : « Ce qu’ils ont fait hier est un truc historique que rien ne pourra effacer. Cela montre de quoi nous sommes capables. Mais doit nous inciter à davantage de travail, car c’est se maintenir en haut qui est le plus délicat ».


Cet hommage au football algérien – tel qu’il est apparu à Gijon en cet après-midi mémorable de Juin 1982 – allait être, dès le lendemain, chanté dans toutes les langues de la terre. Les commentaires, en même temps que l’exploit  des joueurs algériens, font aussi ressortir la suffisance et l’arrogance dont firent preuve certains joueurs allemands avant la rencontre. Quelques titres de journaux sont particulièrement expressifs et imagés.


           « CENDRILLON S’EN EST ALLEE AU BAL AVEC DES CHAUSSURES EN OR » fut le titre choisi par un quotidien sportif espagnol.

                   
Dans la retraite de Ceceda, les coups de téléphone succèdent aux télégrammes et les visiteurs aux journalistes. Le lendemain, les joueurs font montre d’une maturité et  d’un calme tout à fait étonnants. Ils sont bien reposés. Ils se préparent à aller de nouveau au stade, à Oviedo, afin de voir évoluer leurs futurs adversaires  Chili et Autriche. Celle-ci sans rien tenter d’extraordinaire, gagnera le match grâce à un petit but signé  Schachner. Mais elle aura montré combien dangereux et efficace pouvait être son jeu en contre qui rappelait celui meurtrier que pratiquait l’Inter de Milan au faîte de sa gloire. Faut-il ajouter que les Chiliens qui ratèrent un pénalty par Caszely , ne devaient s’en prendre qu’à eux-mêmes.


Avant leur match du 21 Juin face à l’Autriche, les Algériens ont eu le temps de peaufiner leur préparation. A l’indisponibilité de Karim Maroc vient s’ajouter celle de Khalef, claqué à l’entraînement. L’ambiance est bonne, même si les conseilleurs ne font nullement défaut. Pour les deux formations gagner est synonyme de qualification pour le tour suivant, d’autant que la veille la RFA s’était réveillée en infligeant un sévère (4-1) au Chili. On ne change pas une équipe qui gagne. Khalef va s’en  tenir à cette maxime.


Il fait beau ce jour-là à Oviedo et les supporteurs algériens sont plus enthousiastes que jamais. L’un d’entre eux réussit à escalader barrières et grillages et décide de faire la prière au bord de la touche !!  L’incident, inédit, retarde le début de la partie d’environ 3  minutes. Il n’y aura pas de round d’observation puisque dès la 2° minute, le milieu de terrain Baumeister, cafouille dans la surface de vérité sans pouvoir conclure une très bonne occasion. Les Algériens paraissent assez sûrs d’eux-mêmes, ce qui se traduit par une très bonne circulation du ballon. Sur l’une de ces actions, Dahleb lancera Belloumi vers la droite, lequel centre sur Zidane. Le renvoi de la défense autrichienne échoit à Madjer, seul à la limite des 16 mètres. Mais dans sa précipitation celui-ci se fait un-croc-en jambe et s’allonge de tout son long. Peu après, Zidane oblige le gardien Koncilia à détourner du bout des doigts en corner. La pression algérienne va se poursuivre par Zidane encore, Merzekane et Madjer. A la demi-heure de jeu, celui-ci se rabat vers le centre et tire dans les bras du gardien. A la minute suivante, Dahleb le démarque superbement à l’entrée de la surface. Se croyant hors jeu, Madjer hésite une fraction de seconde puis crochète un adversaire. Son tir sera une nouvelle fois dévié en corner. Sur celui-ci la balle heurte la barre transversale.


Assad nous fait admirer sa technique et ses dribbles irrésistibles. Dahleb subtilise la balle aux Autrichiens et s’envole vers les buts. Mais il est stoppé irrégulièrement sans que l’arbitre australien n’intervienne. Règle de la compensation sans doute, car quelques instants auparavant, il n’avait pas sanctionné le fauchage de Krankl par Mansouri dans la surface algérienne.  Hormis cette attaque et deux autres non concluantes menées par le libero Pezzey, le franc-tireur Schachner et encore Krankl qui réussit à tirer au but malgré la présence de 4 adversaires, le bilan des offensives autrichiennes est plutôt maigre.


A la reprise, un attaquant,  Welzl, prend la place de Baumeister. La première escarmouche est à mettre à l’actif de Zidane qui tire au but dès la première minute. Ce sont pourtant les Autrichiens qui, de manière tout à fait inattendue, vont ouvrir le score à la 56° minute. A la suite d’un travail d’approche très lent, conduit comme toujours par Prohaska, Welzl tire au centre sur….le tibia de Kourichi. Le ballon rebondit dans les pieds de Schachner embusqué qui, des dix mètres, ne laisse aucune chance à Cerbah. Coup de billard ! Coup du sort !


Dès la remise en jeu, Merzekane manque d’un rien de concrétiser à la suite d’un coup franc bien joué par Fergani. Quelques instants  plus tard, le capitaine, toujours lui, va lancer Dahleb qui lobe un défenseur mais échoue maladroitement devant Koncilia. Les Autrichiens, désormais  très sûrs d’eux-mêmes, font bien circuler le ballon et après que Belloumi eut cédé sa place à Bensaoula, une attaque autrichienne sans relief mais terriblement efficace, va permettre à Welzl de servir Krankl lequel, de l’extérieur du pied et des 18 mètres logera la balle dans le coin, hors de portée de Cerbah. Nous en sommes au milieu de la seconde période. Une action similaire suivra presqu’ instantanément à l’issue de laquelle Schachner, lancé de loin par Krankl, lobe Cerbah, mais Guendouz arrivé à la rescousse peut sauver sur la ligne pour dégager en corner.


L’entrée de Bensaoula à l’aile droite qui entraîna le passage de Assad au milieu de terrain et son remplacement à gauche par Madjer, ne semblent avoir rien apporté de neuf à l’attaque algérienne, touchée au moral et qui n’arrive même plus à coordonner ses actions. Et pourtant. Un peu plus avant, Tlemçani prend la place de Dahleb et, aussitôt après s’être débarrassé d’un adversaire sur la gauche, centre latéralement au point de pénalty. Successivement Madjer et Assad laissent passer le ballon sans réagir et ratent inexplicablement cette très belle occasion. Face à une formation algérienne méconnaissable et qui finalement n’aura tenu qu’une mi-temps, les Autrichiens jouent en roue libre.


Cette défaite est reçue telle une douche froide. Par tous et particulièrement par ceux qui pensaient que la victoire face à la RFA constituerait un facteur incitatif en vue de la qualification. Une qualification qui, mathématiquement parlant, n’est pas compromise. Certes l’Autriche avec 4 points est idéalement placée, mais il est logique de penser qu’elle pourrait être rejointe à cette première place par la RFA  et l’Algérie. Dans ce cas entrerait en jeu la différence entre buts marqués et encaissés pour l’instant favorable à la RFA (5/3) contre 2/3 pour les Algériens.


Pour rencontrer les Chiliens qui, il faut le dire, se sont montrés pleins de bonne volonté mais dépourvus de toute imagination, Mahieddine Khalef va innover. Il fait entrer Larbés à l’arrière, ce qui ne semble pas la meilleure solution pour contrer le  virevoltant petit ailier Yanez. Ensuite, dans ce match qu’il faut à tout prix gagner et largement gagner, le défenseur Mansouri est placé dans l’entrejeu aux côtés de Fergani et Assad, lequel abandonne son poste à gauche à Madjer. Cependant qu’ Abdelmajid Bourebbou, professionnel à Laval, fait son entrée à droite. L’attaque étant conduite dès le départ par Bensaoula.


Les Chiliens, comme à leur habitude,  font bien circuler la balle, mais toujours de manière  latérale, un peu comme les handballeurs. Après une minute, ils vont se faire subtiliser le ballon par Kourichi qui, à grandes enjambées, franchit une vingtaine de mètres avant de lancer Bourebbou sur la droite. Ce dernier remet aussitôt au centre vers Bensaoula qui oblige le gardien Osben à concéder le corner. Ce sera la tonalité générale de cette première période. Le Chili monopolise en vain le ballon pour, une fois celui-ci perdu, entraîner une très vive contre attaque algérienne. Ainsi à la 8° minute, un échange ultra rapide fait voyager la balle  de Larbés à Assad  puis  Madjer, Bensaoula et de nouveau Assad qui inscrit le premier but des Verts. L’instant d’après, Madjer adresse un beau tir lifté qui heurte le montant gauche. Les Algériens évoluent à leur aise face à des adversaires qui ont besoin de 20 passes pour avancer de deux mètres. Et il faudra attendre 25 bonnes minutes pour assister à la première tentative chilienne par Bonvalet, détournée par Cerbah, suivie par un superbe tir de Neira qui s’écrase contre la barre transversale des buts algériens.


Réplique quasi immédiate par Bensaoula dont le tir est renvoyé par la lucarne et surtout de Bourebbou qui, bien lancé par Mansouri, va offrir le second but à Assad qui concrétise. C’est à ce moment-là que le jeune Hocine Yahi fait son entrée  à la place de Bourebbou et se dirige vers l’aile gauche. On s’interroge sur les motivations de ce changement précoce puisque Bourebbou n’avait nullement démérité et que Yahi n’a jamais été un ailier de métier, encore moins à gauche. Qu’à cela ne tienne. Tout semble aller pour le mieux dans cette équipe algérienne, témoin ce service de Fergani qui permet à Bensaoula d’inscrire le 3° but algérien  à la 33° minute d’un joli tir à ras de terre depuis l’entrée de la surface. A la pause, 3-0 et 4 points engrangés, c’est juste ce qu’il faut pour le bonheur d’une équipe qui voit la vie en rose et peut légitimement penser à la seconde phase !


Pour qui le soleil brille-t-il ? Toujours est-il qu’il va se montrer à la reprise. Tir de Yahi au dessus, de  Bensaoula à côté, tête d’Assad, percée de Mansouri sur passe de Yahi et qui aboutit à deux corners consécutifs. Tout cela en l’espace de 7 minutes. La machine verte et blanche semble bien lancée….L’Algérie joue et combine bien. Dans l’autre camp un seul tir de Neira à côté et un fauchage de Yanez dans la surface non sanctionné par l’arbitre guatemaltèque. A la 57° minute le numéro 9,  Letellier remplace Caszely au centre de l’attaque chilienne. Quelques secondes plus tard, Yanez, très remuant et actif, est fauché avant d’entrer dans la surface. Sans conséquence ! Ce n’est que partie remise, car la minute d’après, il sera de nouveau abattu par Mansouri à l’intérieur de la surface. C’est le pénalty que cherchait « Pato » (Canard) Yanez et qui est  transformé par Neira.


Il n’y a là rien de catastrophique, mais le fait est que les nôtres se déconcentrent. Témoin ce coup franc à la 62° minute quand Cerbah, pour faire rectifier le mur, crie à en perdre haleine : ALI ! ALI ! ALI !  Mais en vain, car Fergani ne l’entend guère. L’équipe algérienne qui paraissait sereine va désormais subir l’ascendant du Chili, dont le jeu est devenu plus incisif et direct depuis l’inclusion de Letellier. A la 72° minute ce dernier bien lancé par Dubo, va habilement lober Guendouz (piégé comme un débutant par ce coup du chapeau) et s’en va marquer un second but mérité. Même si, a posteriori, un examen des images montre clairement que Yanez, à l’intérieur des buts, est bel et bien hors jeu derrière Cerbah et 2 autres défenseurs algériens.  Auparavant Assad retrouve sa place à l’aile pour laisser place au milieu à Dahleb qui remplace Mansouri. Les Algériens réagissent par Madjer qui tire de peu à côté et par Merzekane dont la montée offensive provoque un corner.


TCHI - TCHI - TCHI ! LE - LE - LE ! VIVA CHILE !   crient les fans sud américains qui ont retrouvé vie  et voix mais le jeu se stabilise et les dernières minutes seront plus égales. Puisque Cerbah sauve dans les pieds du « poison » Letellier, alors qu’à la dernière minute et au terme d’une belle action, Assad voit son violent tir renvoyé par le montant gauche des buts d’Osben. Malchance ! Score final 3-2. Le Chili est éliminé, alors que l’Algérie avec 4 points, 5 buts marqués et autant d’encaissés, n’a plus qu’à attendre le résultat du match du lendemain entre RFA et Autriche. Mais il est sûr qu’elle avait  laissé filer l’occasion d’un gros score. Lors des interviews d’après match, l’entraîneur chilien Santibanez, très fair play, rend hommage aux rapides contre-attaques algériennes, « face auxquelles nous n’avons rien pu faire » cependant que Khalef voyait loin lorsqu’il exprima l’espoir qu’Allemands et Autrichiens " joueront au maximum "  la dernière rencontre du groupe.


Vœu pieux, mon cher Khalef, quand on sait aujourd’hui ce qu’il advint de cette honteuse partie de « baballe » entre cousins-germains que certains prétendaient  frères ennemis. Dix minutes de jeu et un but allemand marqué avec le bas ventre par Hrubesh. Une réalisation qui qualifiait la RFA sans éliminer l’Autriche et bien entendu écartait l’Algérie. Il ne se passera donc plus rien, sinon un semblant d’opposition. Un comportement cynique et scandaleux de la part de professionnels du sport qui se sont éperdument moqués de tout le monde.

Et pourtant on aurait pu s'attendre à un sursaut de l'Autriche, battue 2 fois (2-0 et 3-1) par la RFA lors des matches de qualification pour ce Mundial espagnol. D'ailleurs, quatre ans plus tôt, au second tour du Mondial argentin, l'Autriche l'avait bien fait, en battant la RFA (3-2), championne du monde en titre, lors de ce que l'on appela alors, "le miracle de Cordoba".
Hélas ! Les mentalités et les préoccupations avaient changé. Après le but de Hrubesh, qui allait rester "orphelin", les calculs mesquins prirent le dessus sur la compétition,le fair-play et la respectabilité !

  Nous étions en plein dans ce qui fut baptisé immédiatement  " Nichtangriffspakt von Gijon"  ( Le Pacte de non agression de Gijon ) !!!


Les spectateurs espagnols comprennent très vite et clament : TONGO ! TONGO !  (COMBINE-TROMPERIE). L’instant d’après, ils agiteront des milliers de mouchoirs blancs. Dans les corridas, une telle manifestation du public est soit un hommage au toreador, qui a réussi sa prestation, soit l’expression de la mauvaise humeur face à la piètre qualité du taureau ou à la piteuse démonstration du matador. Dans le cas précis c’est bien évidemment une condamnation des 22 acteurs en présence d’un public qui a oublié les débats pour scander bientôt  ARGELIA ! ARGELIA ! De leur côté les supporteurs algériens furieux exhibent des billets de 500 et 1000 pesetas comme pour signifier que le match a été « vendu ». L’arbitre écossais Robert Valentine fait, pour sa part, preuve d’un flegme tout à fait anglais….


J’ouvrirai ici une parenthèse pour dire que cet après-midi là, et dès la réalisation du but allemand je me suis tourné vers Benali Hadj Sekkal, Président de la Fédération algérienne de football, assis à mes côtés, pour lui dire : «  C’est un match arrangé ; prépare une déclaration et un télégramme destiné à la FIFA. » Sa réponse fut : « Vas-y, fais-le, tu sais parfaitement rédiger et tu connais l’espagnol » ! Trouver un stylo et du papier était chose aisée grâce aux sympathiques et toujours disponibles membres du Comité d’organisation local. Et me voici aussitôt commençant à écrire, bloc- notes sur les genoux, sollicitant de temps à autre l’avis de mon voisin, tout en suivant d’un œil la mascarade de match qui se poursuivait devant nous.


Au bout d’une demi-heure, le public assis dans les rangées au dessous, délaisse le match pour se tourner vers nous en hurlant « ARGELIA ! ARGELIA ! ». Je dis à mon ami Sekkal : « il faut te lever et les saluer ; c’est à toi qu’ils s’adressent ». Parmi ces sympathisants inconnus mais solidaires, j’avais tout de même reconnu un ami de fraîche date, un avocat d’Oviedo  (dont le nom m’échappe  malheureusement  aujourd’hui) qui présidait le  Comité de soutien au peuple sahraoui.


Il fallait bientôt avoir à dactylographier les textes. Si pour la version espagnole, nos amis du Comité pouvaient s’en charger, je n’avais quant à moi jamais de ma vie utilisé  de machine à écrire. Il me fallut donc chercher dans la grande salle de presse, située sous les tribunes, et grouillante de monde, un journaliste ressemblant à un algérien. Cela ne fut pas difficile. Mais cela se fit au jugé.  Voici les paroles que nous avons échangées :
-Vous êtes algérien ?   - Oui.    Vous tapez à la machine ?   - Oui.   Dans ses yeux il y avait quelque étonnement à se retrouver sans doute questionné par un inconnu. Mais il ne réagissait pas.  Lui montrant les feuilles que j’avais à la main  je poursuivis :
« Je voudrais s’il vous plaît que vous me tapiez ce papier à la machine. » Dès qu’il lut les premiers mots ses yeux  s’illuminèrent et il se dirigea vers un des pupitres libres. Au bout d’un moment, alors qu’il écrivait, il me demanda : Vous êtes l’Ambassadeur ?  Je lui répondis: « Oui…enfin pas celui que vous croyez ».

Une fois le travail terminé, il me conduisit vers le bureau de poste afin d’adresser les missives au siège de la FIFA à Madrid. Après l’avoir remercié je lui ai expliqué que j’étais en vacances, en train de donner un coup de main au Président de la Fédération de football. Lequel Président, le match terminé, fut  assailli par les médias  du monde entier  devant lesquels il n’avait de cesse de réitérer les récriminations algériennes, dans les couloirs et ensuite dans un petit amphithéâtre aménagé  à cet effet. Je lui  glissai  dans les mains un certain nombre d’exemplaires de « la  Déclaration » et le laissai seul à terminer cet exercice oratoire face à des journalistes déjà totalement convaincus de la combine et de la tricherie ayant entaché le match. Il était 23 heures. J'étais épuisé par la tension subie et pour avoir passé 7 heures au stade !!


Rien n’y fit ! Chacun boira le calice amer,  imposé aux Algériens par les représentants de deux pays développés, prétendus civilisés et de surcroît à la longue tradition dans le monde du football. Les réserves déposées par la Fédération algérienne réclamant la disqualification des deux équipes sont restées lettre morte. La FIFA, aussi majestueuse que méprisante, estima, dès le lendemain, n’avoir aucune preuve d’une entente préalable entre RFA et Autriche et elle entérinera le résultat (1-0) obtenu sur le terrain. Motus et bouche cousue d’évidence. Jo Havelange, Président de la FIFA, se laissait vivre, et ne pensant qu’à durer et à se faire réélire. Il avait,  depuis 1978, confié les rênes de la Coupe du Monde à Hermann Neuberger en sa qualité de Président de la Commission d’organisation des compétitions. Hermann  Neuberger  était  le Président de la Fédération de football de la RFA !!

Personne ne voulut endosser une quelconque responsabilité, ni reconnaître ce qui s'était passé. Neuberger décarait qu'aucun réglement ne disait "comment les équipes devaient jouer". Derwall, de son côté, clamant " nous répondrons à toutes les accusations". Mais le summum de l'indécence et du cynisme revint à Hans TSCHAK , le chef de la délégation autichienne et sa déclaration aux relents nettement racistes. Qu'on en juge :

 "Naturellement, le match d'aujourd'hui a été joué de manière tactique. Mais si 10 000 fils du désert, présents dans le stade, ont voulu déclencher un scandale, à cause de cela, cela montre simplement qu'ils n'ont pas beaucoup d'écoles.
 
Dans un élan manifestement anti arabe, il fait, sans vergogne, l'amalgame avec l'intrusion sur le terrain, du président de la fédération koweitienne, lors du match France-Koweit, en ajoutant.... " tel un cheikh qui sort de son oasis, autorisé, 300 ans après, à venir prendre une bouffée d'air de la Coupe du Monde, se croit permis d'ouvrir sa gueule". Les paroles sont claires : "les fils du désert et le cheikh, sorti de son oasis", on voit bien qui est visé par ce sinistre individu.


Il est utile de noter ici, qu’après la mort de Neuberger en septembre 1992, le mensuel londonien, World Soccer, daté de Novembre 1992, publia, sous la signature du célèbre columnist  Brian Glanville, un article intitulé  « MYSTERY » dans lequel le journaliste s’interrogeait sur ce que Neuberger avait fait  à Rome pendant la seconde guerre mondiale. Glanville rapporte que Horst Dassler, fondateur du groupe Adidas, d’abord réticent, lui avait ensuite révélé que Neuberger " était chargé des représailles contre les partisans". Il n’y a pas de fumée sans feu, dit-on ! Lors du Mondial de 1978,qui avait lieu en Argentine, Neuberger avait créé une polémique en invitant un ancien officier des SS, réfugié et  vivant en Argentine, à rendre visite à la sélection de la RFA !! Il s’agissait d’Erich Priebke, ex capitaine SS qui, en 1995 sera cependant extradé d’Argentine vers l’Italie où il sera condamné à 15 ans de prison pour le massacre de 335 civils italiens dans les Fosses Ardéatines ( nom de grottes près de Rome), ceci en représailles à la suite d’un attentat à la bombe qui avait coûté la vie à 32 soldats allemands. Le nom de Hermann Neuberger n’est toutefois pas apparu au cours du procès, puisqu’il n’était plus de ce monde…


La FIFA, malgré elle,  retint tout de même la leçon, car peu de temps après,  elle décidera, afin d’éviter le renouvellement du scandale de Gijon, que les derniers matches de  chaque groupe devaient avoir lieu le même jour et à la même heure. Cette décision est toujours en vigueur. Elle est devenue la règle  pour toutes les compétitions se déroulant par groupes.


Mais il faudra du temps pour que s’ouvre la boîte de Pandore et que les langues se délient.  Il faudra attendre Janvier 2007, soit 24 ans et 6 mois,  pour que Hans Peter Briegel, l’arrière latéral gauche de la RFA, reconnaisse, dans une interview, que lors de la rencontre face à l’Autriche, lui et ses coéquipiers avaient "levé le pied" pour éliminer l’Algérie.  Tout en niant l’existence d’un quelconque accord, il déclare : « Nous sommes entrés sur le terrain pour gagner par un seul but et quand nous l’avons fait, nous avons stoppé notre effort…nous avions les moyens de battre l’Autriche par plus d’un but d’écart...Effectivement, ce qui s’est passé est regrettable ».


Quelques jours plus tard, sollicité par le  quotidien allemand Bild, l’attaquant autrichien Walter Schachner, ayant lui aussi pris part à ce match reconnaît  : « Un accord a été passé à la mi-temps par quelques vedettes de chaque équipe ; je n’y ai pas participé ;  j’en ai entendu parler quand je me suis plaint à l’entraîneur de n’avoir reçu aucun ballon ». Dans la foulée, un mois plus tard, ce fut autour de Hans Krankl, le capitaine de l’équipe autrichienne de 1982, d’avouer au correspondant de l’hebdomadaire France Football, qui lui demandait s’il gardait de mauvais souvenirs de sa carrière : « J’ai honte de ce qui s’est passé au Mondial 1982, à Gijon, entre l’Allemagne et l’Autriche (1-0), aux dépens des Algériens. Les Allemands ont mené très vite et avec ce résultat les deux équipes étaient qualifiées… ».  Il a ajouté : "Mais je vous jure que rien n’a été convenu avant le match ». Hrubesh, auteur du but, reconnut  "que ce fut moche" . Rummenigge rejeta toute idée de combine et Paul Breitner, le prétendu gauchiste-maoïste, n’ouvrit jamais le bec ! 
 Il faudra attendre encore Décembre 2008, soit 11 mois plus tard, pour trouver une déclaration où le gardien de but Harald Scumacher fait "amende
honorable", alors qu'il était invité à Alger par un organe spécialisé algérien : " Dans la vie, un jour ou l'autre, il faut savoir reconnaître ses erreurs. Alors, aujourd'hui, je demande pardon à Mahieddine Khalef et à tout le peuple algérien".


Avec deux victoires et 4 points, l’Algérie allait quitter l’Espagne la tête haute, à l’issue du premier tour d’une compétition qui avait montré ses lacunes et son injustice. Aucun pays arabe ou africain n’avait obtenu jusque-là de tels résultats. D’ailleurs 4 équipes se sont qualifiées pour la seconde phase avec seulement 3 points et parfois une seule victoire, comme ce fut le cas de l’Italie qui, toutefois se rattrapera au second tour avant de nous « régaler » en finale face à la RFA. Khalef avait bien raison de déclarer : " C'est tout à l'honneur de l'Algérie que deux grandes nations de football se sont entendues pour nous éliminer".


Cette élimination marquait-elle la limite de ce que nos joueurs pouvaient atteindre ? La malchance d’abord, le manque de continuité dans l’effort en seconde période face à l’Autriche d’une part, les multiples occasions gâchées contre le Chili – qui si elles avaient été concrétisées auraient annihilé toute espèce d’entente entre RFA et Autriche- d’autre part, tout cela milite en faveur d’une telle thèse.


Avec beaucoup de « si » on change facilement le monde. Ce soir-là m’était revenu en mémoire ce que me disait Rachid Mekhloufi : " Le plus difficile, c'est de rester au sommet".  Nous n’avions tenu que quelques jours !


Mais il n’y avait nullement lieu de blâmer ce groupe, de leur faire un procès. Ni à eux, ni au  staff technique. Aussi s’est-on mal expliqué la campagne infâme qui a été déclenchée contre Khalef et Mekhloufi après le retour à Alger. Et les motifs les plus futiles n’ont pas manqué d’être évoqués par certains joueurs qui n’avaient participé à aucun des trois matches.


La belle fête s’achèvera par la bouderie de quelques joueurs cherchant à tout prix à tenter l’aventure professionnelle malgré les règlements fédéraux qui prohibaient les transferts avant un âge limite. Assad sera tout de même autorisé à partir. Départ volontaire bien évidemment de Khalef et Mekhloufi.


Ce n’est qu’en Septembre, à l’aide d’une procédure originale (élection d’une Direction technique nationale par le Collège des entraîneurs) que Hamid Zouba se verra placé à la tête de l’équipe nationale. La DTN étant, elle, composée des anciens  Smaïl Khabatou et Saïd Amara et du nouveau Fodil Tikanouine. Zouba reprenait du service après 11 années d’absence.

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